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Une fois de plus, la commission des thons de l’océan Indien n’est pas à la hauteur de l’urgence pour les thons tropicaux

Du 8 au 12 mai 2023 une réunion cruciale pour le futur de l’océan Indien a eu lieu à Maurice : la 27ème réunion annuelle de la commission des thons de l’océan Indien (CTOI).

Mais la CTOI c’est quoi? Les espèces de poissons grands migrateurs comme les thons font l’objet d’une gestion à l’échelle internationale, dans des organisations dédiées, une pour chaque océan. Dans l’océan Indien, la CTOI réunit les différents pays côtiers de l’océan Indien mais aussi les pays industrialisés disposant de flottes hauturière. Ces négociations internationales servent à adopter des mesures de gestion des pêches, de répartition des quotas, mais aussi des mesures de conservation, de contrôle, etc. Cela vous paraît loin de votre quotidien ?

Et bien, pas tant que ça, car tous ces poissons finissent bel et bien en Europe dans nos assiettes… Les attentes de ces négociations internationales étaient hautes car la situation des trois espèces de thon : thon albacore, thon obèse et thon listao, que vous retrouvez dans les conserves de thon dans les supermarchés, est alarmante. Le thon albacore et le thon obèse sont surpêchés et surexploités[1], et le listao semble emprunter la même direction.

 

Journée mondiale du thon 2023

 

Il y a un peu plus d’un an, le comité scientifique de la CTOI avait montré que la population de thon albacore est surpêchée et qu’une réduction d’au moins 30 % des captures est nécessaire pour éviter l’effondrement du stock[2].

Le problème est que les mesures prises depuis 8 ans n’ont pas aidé à la reconstitution des populations de thons tropicaux. Elles sont non seulement insuffisantes pour stopper la surpêche mais aussi non respectées et les États dépassent largement les quotas imposés.

L’océan Indien souffre d’un important problème de pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) et de surpêche qui menace les communautés côtières, tant sur le plan des droits humains que de la sécurité alimentaire.

L’attente majeure de cette réunion était que les États parviennent à trouver des accords pour limiter la surpêche des trois espèces de thon dans l’océan Indien et sur la juste répartition des quotas entre pays côtiers en développement et pays industrialisés. L’autre point crucial portait sur la limitation de dispositifs de pêche destructeurs pour les populations de thon et l’environnement marin : les Dispositifs de Concentration de Poissons (DCP).

 

Les points cruciaux pour le futur de l’océan Indien n’ont pas été résolus

 

Aucun accord de réduction des captures pour les thons albacore et listao n’a été trouvé, malgré l’état alarmant du thon albacore. Les États contractants ont fait part de leur volonté d’organiser une session spéciale avant la prochaine session annuelle pour trouver un accord sur un plan de gestion permettant de régénérer les stocks de thon albacore. Cela fait plusieurs années que ce point bloque et je vous en avais déjà parlé en 2021.

Aucun accord n’a été trouvé non plus sur l’autre point brûlant de cette réunion : les dispositifs de concentration de poissons (DCP).

 

Que sont les DCP ? Ce sont des assemblages d’objets en plastique flottants à la surface de l’eau qui permettent d’attirer les bancs de thons, pour ensuite les capturer via une senne (un filet de pêche conçu pour capturer les bancs de thons). Traditionnellement utilisés en petite quantité par les petits pêcheurs artisans, ces dispositifs de pêche néfastes sont désormais massivement employés par la pêche thonière industrielle. En plus de causer une pollution plastique absolument massive, les DCP conduisent à la capture de thons juvéniles, freinant la reproduction de l’espèce et posant d’importants problèmes pour renouveler la population de poissons. Il y a donc urgence à agir !

 

Mais la seule mesure prise a été de créer un groupe de travail sur ces dispositifs[3].  Pour rappel, en février 2023, la CTOI avait adopté des mesures très ambitieuses concernant les DCP, introduisant par exemple la fermeture temporelle obligatoire des DCP 72 jours par an, et la réduction du nombre de DCP autorisés. Cependant l’Union européenne s’est opposée à cette résolution, alors même qu’elle est le plus gros pêcheur de l’océan Indien, loin devant les États directement situés dans cet océan[4]. Elle promettait de trouver un nouvel accord qui fasse consensus entre les États contractants, or cette 27ème session vient de terminer sans aucun accord trouvé. La résolution a donc été tuée dans l’œuf, en raison de l’objection de tous les principaux États concernés.

J’étais d’ailleurs intervenue en commission de la pêche pour dénoncer l’attitude de l’Union européenne. Avec plusieurs collègues écologistes, j’avais adressé un courrier au commissaire européen à la pêche.

Enfin, le programme d’inspection en haute mer proposé par l’Union européenne, pourtant proposé à répétition depuis 2016, n’a toujours pas été adopté. Ce programme permettrait de lutter contre la pêche illégale, il est donc urgent de l’adopter.

 

Certaines avancées ont néanmoins été actées

 

Une mesure a été adoptée pour assurer un plan de gestion durable pour le thon obèse, l’une des espèces de thon pêchée dans la région Et il était temps ! Cette mesure introduit des limites de captures, ainsi que des réductions de captures pour les plus grands pêcheurs, comme l’Union européenne[5]. Il faudra maintenant s’assurer que ces limites soient respectées.

Des mesures ont également été adoptées pour protéger les oiseaux marins et cétacés des impacts de la pêche au thon.

Enfin des progrès ont été faits pour le contrôle de pêches : une proposition permettra de s’assurer de la conformité des activités de pêche avec le droit applicable[6], et une autre a instauré des standards minimum dans la surveillance électronique des captures.

 

Un bilan toujours insuffisant

 

Le bilan de cette session est plus que décevant, dans un contexte de crise de gouvernance et de tension entre les États pêchant dans l’océan Indien.

Cela fait plusieurs années que je le répète : il faut un plan de gestion pour le thon albacore, qui impose une réduction de 30% des captures, pour faire face à la surpêche. L’enjeu dépasse la  protection de l’environnement marin. C’est aussi nécessaire pour la sécurité alimentaire, le développement des communautés côtières, et la lutte contre le changement climatique.

Pour les Dispositifs de Concentration des Poissons, l’Union européenne bloque les avancées de la CTOI sous pression de l’industrie de la pêche thonière. La Commission européenne promettait de trouver un accord lors de cette session suite à l’objection qu’elle avait faite aux mesures de février 2023. Mais aucun accord n’a été trouvé, rendant les mesures adoptées en février 2023 inefficaces. Pourtant, dans le cadre du pacte vert européen, la Commission européenne a pris des engagements pour limiter l’impact des techniques de pêche destructrices sur la biodiversité marine: elle devrait donc être cohérente avec cette approche en s’assurant qu’elle s’applique également aux navires européens qui pêchent à l’international….

Quant à la proposition d’inspection en haute mer, elle a été une fois de plus rejetée, mais des progrès ont été réalisés pour lutter contre la pêche illégale. Sur ce point, la Commission européenne est leader dans la région.

[1] https://industriaspesqueras.com/noticia.php?id=75407

[2] https://oceans-and-fisheries.ec.europa.eu/news/fisheries-agreement-reached-sustainable-management-bigeye-tuna-indian-ocean-2023-05-16_en

[3] https://ipnlf.org/joint-statement-on-the-conclusion-of-the-26th-session-of-the-iotc/

[4] https://iotc.org/documents/multi-annual-cmm-plan-tropical-tunas-cf-res-21-01-eu

[5] https://iotc.org/documents/SC/24/RE

[6] https://iotc.org/documents/multi-annual-cmm-plan-tropical-tunas-cf-res-21-01-eu

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