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Mise en œuvre de l’article 17 – Présentation d’un premier document de travail

Le 27 octobre, j’ai présenté devant la Commission Pêche du Parlement européen un premier document de travail dans le cadre du rapport qui m’a été confié sur la mise en œuvre de l’Article 17 de la Politique Commune de la Pêche. Derrière ce titre se cache un des rouages essentiels de la politique européenne en matière de pêche : comment les possibilités de pêche (les quotas ou les quotas d’effort) sont répartis au sein de chaque état entre les différents pêcheurs ?

L’Union européenne est en effet chargée de fixer annuellement les Totaux Admissibles de Captures et l’effort de pêche total avec pour objectif d’atteindre un niveau d’exploitation durable des populations d’espèces marines. Ces quotas sont ensuite répartis entre états selon un principe de stabilité relative ce qui fait que chaque état reçoit une part stable des quotas de pêche. C’est ensuite au sein de chaque état que ces possibilités de pêche sont réparties entre les différents pêcheurs et organisations de producteurs.

Si l’attribution des possibilités de pêche demeure une compétence des états membres, le droit européen fixe un certain nombre de règles et offre un certain nombre de possibilités aux états membres, à l’article 17 du règlement 1380/2013. Le rapport parlementaire vise à étudier si les Etats-membres respectent leurs obligations et s’ils se saisissent des possibilités offertes par l’article 17 afin d’atteindre les objectifs de la PCP.

Des problématiques importantes

Les raisons qui me poussent à m’intéresser à cet article sont nombreuses. En travaillant sur le plan de gestion sur le thon rouge dans l’Atlantique et la Méditerranée, j’ai pu constater une répartition très déséquilibrée entre thoniers senneurs et pêche artisanale. La pêche artisanale ne reçoit que 3,03% du quota en Italie, 11,6% en Croatie, 11,89% en France, 13,68% au Portugal et 36,93% en Espagne. Le reste va aux navires thoniers senneurs. Le Parlement européen a d’ailleurs demandé très largement une répartition plus juste des possibilités de pêche. Mais d’autres espèces sont aussi concernées.

En France, des petits pêcheurs ont attaqué l’arrêt de répartition des possibilités de pêche de thon rouge pour 2017. Le tribunal leur a donné raison en première instance, l’état français a fait appel, mais c’est au minimum la preuve d’un mécontentement d’une partie des pêcheurs concernant ces critères.

Nous voyons aussi que les objectifs sociaux et environnementaux de la PCP et de la directive cadre sur le milieu marin ne sont pas tous atteints. Et face à cela, les possibilités ouvertes par l’article 17 sont très peu utilisées par les états-membres.

Enfin, dans le rapport sur la stratégie Farm 2 Fork, notre Parlement a demandé à ce que l’on encourage la transition vers une pêche à faible impact en augmentant la part des quotas alloués à la petite pêche artisanale.

Un manque de transparence important

Les rapports du Parlement européen en 2015 et de la NEF en 2017 pointaient tous les deux le fait que plusieurs pays manquaient de transparence. Les informations concernant la façon dont les quotas sont répartis sont difficilement accessible par le public, ce qui rend difficile d’évaluer la mise en œuvre de cet article. Il n’existe pas ou peu de traçabilité des quotas. Certaines organisations de producteurs publient de manière volontaires leurs plans. Mais cela reste rare. Seuls deux pays ont un registre public complet.

Les critères sociaux et environnementaux insuffisants

Le critère qui est le plus souvent utilisé est celui des antériorités de pêche. Un bateau qui pêchait tel part de tel stock de poisson pendant les années de référence, ou son remplaçant, a droit à la même part aujourd’hui. Ce critère est relativement simple à objectiver. Mais lors des entretiens que j’ai conduits, les représentant-e-s de la petite pêche à faible impact m’ont fait part du fait que, selon eux, ce critère était biaisé. En effet, les années de référence, sont souvent des années au cours desquelles les bateaux de moins de 12m n’avaient pas de logbook et ne rapportaient pas leur capture de la même façon que les navires de plus de 12m, ce qui les désavantagerait aujourd’hui.

Par ailleurs, ce critère laisse libre court aux entreprises de pêche industrielle qui peuvent racheter des bateaux en fin de vie, récupérer le quota et le réaffecter à d’autres navires qu’ils possèdent.

L’article 17 du règlement PCP précise que les états doivent utiliser des critères objectifs et transparents, y compris ceux de nature économique, sociale et environnementale. Or, en 2018, WWF a estimé que 16 pays sur 23 n’avaient pas encore mis en œuvre « une répartition juste et durable des possibilités de pêche ». Selon l’étude la New Economics Foundation que j’ai commandée, 12 pays utilisent un critère social et 11 utilisent un critère environnemental, mais ces critères pèsent peu dans la distribution finale des quotas.

Je pense que, pour atteindre les objectifs fixés dans la PCP, dans la directive cadre sur le milieu marin, et dans la stratégie biodiversité, ou encore les objectifs de développement durable de l’ONU, les états devraient utiliser plus fortement les critères sociaux et environnementaux. Il y a un travail important à mener et que la Commission devrait être plus proactive et pourrait faire des propositions aux états membres sur des critères objectifs qui pourraient être mis en place. Ne pas utiliser les possibilités ouvertes par l’article 17, ne pas mettre en place des critères sociaux et environnementaux, c’est se priver d’un outil de politique publique très efficace.

Des critères à réinventer

Je ne pense pas qu’il faille entièrement remettre en cause ce critère d’antériorité car il apporte une stabilité nécessaire à la flotte européenne, tant d’un point de vue économique que social. Mais il y a sans doute d’autres critères qui pourraient être utilisés, notamment environnementaux et sociaux. La plupart sont sans doute encore à inventer. Il faut éviter des critères qui s’appliqueraient partout de la même façon et privilégier une définition au plus près des territoires, en lien avec les pêcheurs, en fonction des problèmes locaux.

Par exemple, dans une région où le renouvellement des générations est identifié comme un problème important à traiter, une part des possibilités de pêche pourrait être distribuée aux nouveaux entrants. Lorsque les prises accessoires d’espèces sensibles sont élevées, une part des possibilités de pêche pourrait être distribuée sur la base d’un indicateur de performance relatif à la quantité de captures accessoires. Cela encouragerait les pêcheurs à adapter leurs pratiques de pêche et les aiderait à rentabiliser leurs investissements. Lorsque les pêcheries artisanales sont menacées, une part du quota pourrait leur être spécifiquement allouée.

Il y a beaucoup de travail à faire sur ce sujet des possibilités de pêche.Pour plus de justice dans la façon dont nous gérons ce bien commun. Et pour, enfin, atteindre les objectifs de la PCP, les objectifs de la directive cadre sur le milieu marin et les objectifs de la stratégie biodiversité.

 

Télécharger le document de travail en français ou en anglais.

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