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Captures accessoires : agissons enfin contre ce scandale !

Samedi 29 octobre, je me suis rendue à la Rochelle afin de participer à une exposition et à une table ronde sur les captures accessoires, organisée par France Nature Environnement. Je m’étais déjà rendue à la Rochelle mi 2022 afin de participer à l’autopsie d’un dauphin, décédé après avoir été étouffé par un filet de pêche. 

 

 

Que sont les captures accessoires ? Elles sont une conséquence tragique d’une pêche mal régulée qui est encore trop passée sous silence. Voici un condensé de mon intervention entre situation en France, rôle de l’Union européenne et mobilisation nécessaire.

Rien qu’en 2018, les 185 incidents de prises accessoires de mammifères marins ont concerné 259 spécimens  de neuf espèces dans huit écorégions. Pour les oiseaux marins, un total de 217 incidents de prises accessoires a été signalé en 2018, impliquant 696 spécimens d’au moins 22 espèces.

Alors que se passe-t-il concrètement ? 

Prenons l’exemple des dauphins communs dans le Golfe de Gascogne : entre décembre et mars, les dauphins viennent se nourrir dans le golfe de Gascogne et poursuivent les mêmes proies que les pêcheurs, à savoir le bar et le merlu, et se retrouvent de ce fait pris dans les filets. Les pêcheurs qui évoluent dans la zone sont essentiellement français, mais aussi espagnols. C’est très grave : 90% des dauphins échoués dans le Golfe sur la côte portaient des marques de pêche, des traces de filets, des trous de gaffes et autres mutilations. Et on ne connaît pas le nombre de dauphins blessés qui coulent au fond de l’océan ! 

 

Alors que le dauphin commun est officiellement protégé et n’est pas censé être ciblé par la pêche, cette espèce est clairement victime, depuis une vingtaine d’années, de l’intensification et l’industrialisation de la pêche dans le Golfe de Gascogne. Les dauphins font les frais de l’activité de pêche non sélective des chalutiers pélagiques, qui utilisent des filets traînés par un ou deux bateaux. Le taux de mortalité observé ne sera pas soutenable à terme car il s’agit d’une espèce à faible fécondité, longue durée de vie et faible capacité à se rétablir. 

Afin de lutter contre ces drames, 25 organisations ont demandé des sanctions à la Commission européenne contre divers pays, dont la France, l’Espagne ou encore la Suède en 2019. D’ailleurs, l’UE a mis en demeure la France en 2020 et en 2021 pour lui demander d’agir pour limiter les captures. 

Début 2021, la précédente ministre de la Mer, Annick Girardin a proposé un plan d’action avec 7 objectifs mais qui écartait les fermetures temporaires demandées par les avis scientifiques ! Le plan d’action était totalement insuffisant et n’a ni convaincu la Commission européenne ni la société civile. 

Pour autant et malgré la mobilisation des associations, le Conseil d’État n’a pas reconnu la condition d’urgence concernant les captures accidentelles de dauphins ! 

Cette situation est extrêmement frustrante car la France présidait le conseil de l’Union européenne en début d’année et se vantait de vouloir mieux réglementer les eaux internationales pour enrayer la perte de biodiversité et la pollution plastique. Encore une fois, que de promesses creuses ! 

 

 

Cependant, l’Europe peut jouer un rôle : d’abord grâce aux avis scientifiques puisque la Commission européenne est censée se baser sur les meilleurs avis scientifiques disponibles. Ainsi, pour les captures accidentelles de dauphins, la Commission européenne a demandé au CIEM (Conseil International d’Exploration de la Mer), une organisation scientifique qui regroupe d’excellents scientifiques, son avis. Dans l’avis rendu, le CIEM a estimé que pour résoudre la situation, il fallait une combinaison de fermetures temporelles des pêcheries concernées lors des pics de mortalité et l’utilisation de « pingers » (dispositifs acoustiques destinés à éloigner les cétacés) sur les chalutiers pélagiques hors périodes de fermeture.

Mais les choses n’ont toujours pas bougé. J’ai donc posé une question écrite à la Commission pour savoir ce qui était fait concrètement pour que la France prenne de véritables mesures pour éviter les prises accessoires de dauphins et de marsouins par les navires de pêche. 

J’attends encore la réponse … D’autant qu’actuellement la France n’applique pas suffisamment la directive-cadre Stratégie pour le milieu marin et la directive Habitats qui visent le bon état écologique du milieu marin et exige des mesures de conservation pour certaines espèces animales, dont les dauphins.

Les dauphins doivent être également protégés par le biais d’une autre législation européenne : le règlement Mesures techniques de 2019 qui prévoit l’adoption de mesures d’atténuation visant à éviter leurs prises accessoires.

 

 

La Commission européenne a rendu une évaluation de cette législation l’an passé et des lacunes majeures ont été identifiées: 

  • Manque de protection des espèces et des habitats sensibles;
  • Les Etats membres n’adoptent pas à temps des recommandations communes nécessaires sur les mesures visant à améliorer la sélectivité ou restreindre les activités de pêche là où c’est nécessaire;
  • D’autre part, concernant la procédure d’infraction en cours, comme la France n’a pas agi en conséquence et n’a pas mis en place les fermetures temporelles, la Commission a envoyé une “opinion raisonnée” à la France et l’Espagne. Cette procédure donnait 2 mois à la France pour prendre les mesures nécessaires, au-delà desquels la Commission peut décider de porter l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne. Hervé Berville a demandé un délai d’un mois supplémentaire en juillet 2022. Depuis, nous n’avons pas eu de nouvelles. 

En ce moment, je vois plusieurs leviers d’action au niveau européen à court terme :

  • La procédure d’infraction lancée par la Commission européenne à laquelle la France doit se conformer: cela pourrait aller jusqu’à la Cour de Justice de l’UE et donc devenir une bataille juridique;
  • L’adoption de la Loi sur la Restauration de la Nature, pour laquelle je suis rapportrice de l’avis en commission de la pêche : la proposition de la Commission sur la table est très ambitieuse et prévoit d’accélérer la protection de la biodiversité marine en restaurant les habitats dégradés;
  • Je travaille actuellement sur le renforcement des obligations pour que les États membres adoptent des mesures pour restaurer et protéger les écosystèmes marins et leurs espèces (notamment via de la restauration passive qui comprend le fait de fermer des zones à la pêche);
  • Le Plan d’action sur les ressources halieutiques et la biodiversité marine qui devrait être présenté par la Commission européenne d’ici à la fin de l’année qui doit proposer des solutions pour mieux mettre en œuvre la législation européenne en vigueur et limiter l’impact des techniques de pêche sur la biodiversité marine;
  • La mobilisation citoyenne : il y a déjà eu une pétition qui a rassemblé plus de 500 000 signatures. Il est très important que la mobilisation ait lieu à la fois dans les États membres (France) et au niveau européen.

Enfin, je précise qu’il y aura évidemment des conséquences économiques et sociales qu’il faudra prendre en compte. C’est notamment au gouvernement français d’étudier les possibilités d’accompagnement financier de ces mesures. 

Mais à court et moyen terme si on n’agit pas, l’effondrement de la biodiversité marine va mettre en grave péril le secteur de la pêche, mais aussi nos sociétés entières. Si l’on adopte des mesures fortes maintenant, cela aura des bénéfices très forts à moyen et long terme pour l’ensemble du secteur de la pêche! 

Cliquez ici pour revoir le replay de la table ronde.

 

Crédit photos : France Nature Environnement

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