Le 20 mai dernier, en séance plénière, le Parlement européen a adopté le rapport sur la responsabilité des entreprises pour les dommages causés à l’environnement, pour lequel j’ai été rapportrice pour avis au sein de la commission du développement. Le rapport envoie un signal fort. Il formule une série de propositions pour mettre pleinement en œuvre le principe du pollueur payeur pour les entreprises. Parmi les demandes importantes obtenues figure l’inscription de l’écocide dans le droit européen, une priorité pour laquelle nous nous battons depuis plusieurs mois avec mes collègues écologistes Marie Toussaint (cheffe de file pour notre groupe) et Saskia Bricmont.
Le Parlement européen demande à la commission européenne d’étudier l’inscription du crime d’écocide dans le droit européen et des mesures contre la criminalité environnementale
L’écocide, c’est un crime: celui de détruire l’environnement au point de mettre en danger la sûreté de la planète et notre capacité à y vivre. Ils ont des conséquences majeures, à la fois sur la biodiversité, les droits humains et la santé. Le problème est que le droit pénal ne reconnaît pas ces atteintes au vivant. Nous nous battons pour les faire reconnaître. Le rapport tel qu’adopté est une avancée, il « demande à la Commission d’étudier la pertinence de la qualification d’écocide pour le droit de l’Union et sa diplomatie ».
Au delà de l’écocide, le rapport pointe l’impact colossal de la criminalité environnementale, qui constitue la la quatrième plus grande entreprise criminelle au monde, selon l’UNEP et Interpol (dans des domaines variés comme la déforestation, le trafic d’animaux sauvages, la pêche illégale, les activités extractives illégales…)
Le Parlement appelle, via sa résolution, à intensifier la lutte contre la criminalité environnementale à l’échelle nationale, européenne, mais aussi internationale. Nous demandons l’extension de la portée de la directive européenne sur la criminalité environnementale, pour qu’elle couvre les nouveaux types et formes de crimes environnementaux.
Renforcer le principe du pollueur payeur: la directive sur la responsabilité des entreprises pour les dommages environnementaux
Une législation qui met en oeuvre le principe du pollueur payeur existe déjà. Le problème réside dans sa mise en oeuvre. Adoptée il y a 15 ans, elle n’a été que très peu utilisée du fait de sa portée limitée, et notamment parce que des systèmes nationaux plus efficaces existent dans certains Etats de l’Union européenne.
Nous appelons à ce que cette législation soit en ligne avec les objectifs de l’Accord de Paris, que la définition et la portée des « dommages environnementaux » soient précisées et élargies, et à mettre en place de régimes de protection et d’aide aux victimes pour assurer un accès effectif à la justice.
Rendre les multinationales responsables de l’action de leurs filiales à l’étranger
Les dommages environnementaux ont trop souvent lieu dans les pays en développement, où les législations environnementales sont les plus faibles.
L’exemple récent de Shell, reconnue responsable de graves marées noires causées par sa filiale au Nigeria, et condamnée à indemniser des fermiers nigérians après 13 ans de bataille juridique, est édifiant. Les maisons mères qui opèrent à l’étranger par le biais de filiales doivent pouvoir être tenues juridiquement responsables lorsqu’elles mènent des activités néfastes pour l’environnement et les droits humains.
Pour pallier à l’impunité qui règne actuellement, le Parlement se déclare en faveur de l’introduction d’un régime de responsabilité secondaire, c’est-à-dire un régime de responsabilité parentale (et de chaîne?) pour les dommages causés à la santé humaine et à l’environnement. Il appelle également à une évaluation des situation de responsabilité des filiales d’entreprises européennes actuellement actives à l’étranger.
De nombreuses étapes restent à franchir mais ce vote est porteur d’espoir. La législation à venir sur le devoir de vigilance, si elle est suffisamment ambitieuse, pourrait introduire de dispositions fortes en matière de responsabilité des entreprises.
Pour aller plus loin
Consultez le document « Tout savoir sur l’écocide »