Samedi matin, 9 heures : tout juste arrivée à Briançon, Caroline Roose, députée européenne retrouve les bénévoles de l’association « Tous Migrants ». Elle est la seconde parlementaire à se rendre sur place pour assurer les tours de garde mis en place grâce aux Maraudes Solidaires. Depuis la salle où l’équipe échange sur les conditions et la maraude à venir, chacun.e prend la mesure de l’atmosphère hostile qui règne, à l’extérieur : il fait très froid, et le décor est jauni par un vent qui déboule du Sahara. Une brume jaunâtre embourbe la montagne et complique tout…
« Après le briefing, nous prenons la route de Montgenèvre. En arrivant, je vais tout de suite me présenter auprès de la Police aux Frontières (PAF) avec mon collaborateur, Jean-François. L’idée ? Expliquer aux agents les raisons de ma visite. Je demande à voir le responsable de la PAF. »
On me demande de justifier mon statut de députée européenne. Je leur présente mon badge du Parlement avec une pièce d’identité. Jean-François présente quant à lui son ordre de mission. Le responsable du service de la PAF arrive une trentaine de minutes plus tard : il nous annonce que nous sommes autorisés à voir les cellules, ainsi que l’accueil.
L’accès au « local de mise à l’abri », en revanche, nous est refusé : cette démarche-là nécessite l’accord de la sous-préfète. Je téléphone donc à la sous-préfète. Cette dernière m’accorde l’accès, à condition que je laisse faire le travail des forces de l’ordre.
À la suite de cela, avec les bénévoles, nous nous rendons sur les différents points de maraude. Nous allons à la rencontre des forces de l’ordre pour leur demander ce qu’ils sont en train de faire. « Nous surveillons la frontière » est la seule réponse que nous obtenons. Nous accompagnons ensuite les bénévoles de Médecins du monde qui nous montrent les endroits où s’abritent parfois, à bout de souffle, certaines personnes exilées : des locaux de rangement de skis, par exemple, ou des parties communes d’immeubles.
Le brouillard jaune tapisse le relief. Il est impossible de voir quoi que ce soit : les conditions météo sont terribles. Nous retournons à la PAF afin de s’assurer que la responsable du service a bien reçu l’autorisation de la sous-préfète. Celle-ci a désormais donné son accord et nous voici autorisés à accéder au local de mise à l’abri : Cette pièce est un Algeco : elle contient des lits de camp avec matelas ainsi que des petites couvertures. Des tables en bois, similaires à celles que l’on trouve sur les aires d’autoroutes, sont disposées dans la pièce. Au moment où j’entre dans l’Algeco, il y a du chauffage. En sortant, je remarque des WC sur la gauche. Sur la porte de l’Algeco, pas de poignée ni de serrure : un simple fil de fer fait l’affaire.
Aux personnes exilées, explique-t-on leurs droits en tant que demandeurs d’asile ? On me répond de faire une demande écrite à la sous-préfète pour une question de ce type. Je vais évidemment le faire. Compte-tenu du contexte pandémique, je demande également si des test PCR sont effectués sur place : on me répond que non.
Sur place, les associations mettent une énergie incroyable et font preuve d’une solidarité qui fait chaud au cœur. Durant toute cette maraude, les conditions météo étaient très difficiles : brouillard à couper au couteau, visibilité très mauvaise, froid glacial qui s’accompagne d’un vent cinglant. A un moment de la journée le thermomètre a atteint -4° degrés, mais j’ai eu l’impression qu’il faisait -10°, et ce malgré mon équipement.
Je pense aux personnes cherchant une échappatoire à la vie impossible dans leurs pays. Il leur faut traverser tant de frontières pour arriver dans ces couloirs pentus où la neige n’est pas damée, avec le plus souvent aux pieds, de simples baskets… Au Refuge Solidaire, à Briançon, familles et enfants étaient abrité.e.s. Il y avait ce petit garçon d’environ 5 ans, assis sur une table, jouant à cache-cache… l’imaginer dans les couloirs de neige, marchant de nuit comme de jour pendant son périple m’est insupportable.