Dans l’océan indien, le thon albacore, l’espèce que l’on retrouve le plus souvent dans les boîtes de conserves consommées en Europe, est victime d’une surpêche importante. Cette surpêche est en partie liée à la présence de navires étrangers dans les eaux tropicales. Selon les scientifiques, la situation pourrait devenir rapidement critique, et les populations de thon albacore pourraient s’effondrer dans les cinq prochaines années. Or la flotte européenne est responsable d’un tiers des captures de thon albacore dans l’Océan Indien
Des mesures insuffisantes pour enrayer la surpêche du thon albacore
Début juin 2021, les États membres de la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI) – l’organisation régionale en charge de la gestion des pêcheries de thon dans l’Océan Indien et dont l’Union européenne fait partie – se réunissaient pour discuter d’un plan pour reconstituer les populations de thon albacore de l’Océan Indien.
Les discussions duraient depuis plusieurs mois, et avaient déjà été reportées en mars, faute d’accord entre les différents pays. Deux propositions étaient sur la table : l’une portée par la République des Maldives, qui prévoyait des réductions de quota de 35% pour les pays pratiquant la pêche à grande distance. C’est cette proposition qui était soutenue par les ONG environnementales et se rapprochait le plus des avis scientifiques. L’autre proposition, de l’Union européenne, proposait une réduction moindre. Les négociations se sont ainsi jouées entre le groupe des pays en développement, favorable à une réduction plus forte pour les flottes industrielles étrangères, et les pays développés, réticents à faire des concessions sans réductions majeures pour les pays en développement.
Suite aux négociations, un compromis a été trouvé : une réduction de 21% pour les flottes de navires longue-distance comme la flotte européenne, soit une réduction de 6% par rapport aux précédentes mesures adoptées et de 1% par rapport aux captures de 2019… On est bien loin des 35% de réduction des captures figurant dans la proposition initiale !
L’accord trouvé est pour moi décevant face à l’ampleur de la situation, et il faudra beaucoup plus d’ambition pour protéger durablement le thon albacore.
Pas d’accord sur les techniques de pêche destructrices
Les difficiles négociations concernant les réductions de capture des thons albacore ont empêché d’avancer sur un autre point : celui des Dispositifs de Concentration de Poissons (DCP). Les DCP sont des assemblages d’objets en plastique flottants à la surface de l’eau qui permettent d’attirer les bancs de thons, pour ensuite les capturer via une senne (un filet de pêche conçu pour capturer les bancs de poissons pélagiques). Traditionnellement utilisés en petite quantité par les petits pêcheurs artisans, ces dispositifs de pêche néfastes sont désormais massivement employés par la pêche thonière industrielle. En plus de causer une pollution plastique absolument massive, les DCP conduisent à la capture de thons juvéniles, freinant la reproduction de l’espèce et posant d’importants problèmes pour renouveler la population de poissons.
Une proposition de réduction ambitieuse de ces DCP a été proposée au sein de la CTOI par le Kenya mais n’a pas été adoptée, notamment suite à l’opposition de différents États, dont l’Union européenne qui estimait que cette mesure aurait un impact sérieux sur la flotte des thoniers senneurs. Les longues négociations sur le thon albacore n’ont pas permis de consacrer beaucoup de temps à ce sujet, et la proposition a été rejetée (mais soutenue par les 2/3 des États): aucun plan n’a donc encore été adopté.
Je suivrai avec attention le travail qui sera mené dans les prochains mois sur la pêche dans l’Océan Indien, en défendant des mesures fortes. Il n’est plus possible d’importer de la surpêche tout en promouvant le Green Deal en Europe.
Photo : Joe Laurence, Seychelles News Agency,https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.en