Le 27 octobre les député·e·s de la commission de la pêche du Parlement européen ont approuvé le renouvellement de l’accord de pêche entre l’Union européenne et le Gabon.
Le nouveau protocole fixe les conditions d’accès à 33 navires européens, principalement des thoniers senneurs français et espagnols, qui pêcheront le thon dans les eaux gabonaises pour les 5 prochaines années, en l’échange d’une contribution financière totale de l’UE de 13 millions d’euros.
La majeure partie de cette somme correspond à une compensation financière pour l’accès aux eaux et aux ressources halieutiques du Gabon tandis que le reste est alloué au soutien au secteur de la pêche au Gabon (contrôle des pêches, durabilité, soutien à la pêche artisanale, etc.). Le protocole prévoit également de donner l’accès à 4 chalutiers ciblant les crustacés d’eau profonde, dans le cadre d’une pêche exploratoire.
Pour Caroline Roose (Verts/ALE), cet accord de pêche est préoccupant :
« Cet accord constitue une menace pour les populations de poissons et les écosystèmes marins. Bien que la plupart des populations de poissons sont surexploitées ou non évaluées dans la région du Gabon, l’accord permet à 4 chalutiers de fonds de mener des « pêches exploratoires ». Les études scientifiques sont pourtant très claires : ces engins de pêche ont des impacts dévastateurs sur les fonds marins et les captures accidentelles d’espèces non ciblées1. Pour preuve, les annexes du protocole indiquent des limites de prises accessoires autorisées élevées.
Cet accord ne profite pas aux populations locales. Du fait du manque d’infrastructures pour le débarquement et les activités de transformation du poisson, les thons pêchés ne seront pas débarqués au Gabon. La valeur ajoutée pour les gabonais est donc très faible et l’accord profite surtout aux industriels européens2.
Cet accord reste flou sur la manière dont l’argent public européen sera utilisé. L’évaluation du précédent protocole montre clairement que le soutien sectoriel versé par l’UE n’a pas été utilisé de façon optimale. Dans un pays comme le Gabon, où les droits humains ont été bafoués ces dernières années (voir la résolution du Parlement européen en 2017), et à la lumière de l’affaire récente des Pandora Papers dans laquelle le nom du président du pays a été cité, nous avons besoin de garanties de transparence sur la façon dont l’argent sera utilisé une fois dans les mains du gouvernement gabonais.
L’Union européenne doit mettre ses accords de pêche internationaux en ligne avec ses objectifs environnementaux et de développement. Nous devons cesser de surexploiter les ressources marines des pays en développement alors que nous voulons être les champions de la biodiversité.»
Les eurodéputé·e·s écologistes, qui avaient déposé un amendement de rejet de l’accord, ont introduit une question écrite à la Commission européenne avec d’autres élu·e·s pour demander des précisions sur l’impact des chaluts de fonds, la transparence, et la façon dont les fonds versés aideront concrètement la pêche artisanale et augmenteront les retombées socio-économiques.
La prochaine étape sera le vote final de l’accord en séance plénière.
[1] Une étude sur les pêcheries gabonaises indique que lors de campagnes océanographiques de pêche à la crevette d’eau profonde avec des engins de pêche expérimentaux, la composition des captures a montré des niveaux de prises accessoires importants. Voir Landry Ekouala. Le développement durable et le secteur des pêches et de l’aquaculture au Gabon : une étude de la gestion durable des ressources halieutiques et leur écosystème dans les provinces de l’Estuaire et de l’Ogooué Maritime. Histoire. Université du Littoral Côte d’Opale, 2013. Français.
[2] L’évaluation ex-post du protocole précédent (2013-2016) souligne la faible valeur ajoutée totale reçue par le Gabon (11%), en raison de l’absence d’infrastructures de débarquement et de transformation du thon au Gabon. Elle mentionne également des retards et des incohérences dans la transmission des données par les États membres. De plus, au vu du manque d’infrastructures de formation, les marins embarqués sur les bateaux européens ne seront probablement pas gabonais.
© NOAA FishWatch