Jeudi 20 janvier a eu lieu le vote des recommandations du Parlement européen sur le transport des animaux. Un vote en demi-teinte car les mesures plus ambitieuses ont été écartées du texte.
Le vote de cette recommandation fait suite aux travaux au sein de la Commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport. C’était la première fois qu’une Commission d’enquête portait sur un sujet lié à la protection des animaux. La création de la commission avait été demandée de longue date par les ONG de défense des animaux, par les député-e-s de l’intergroupe sur le bien-être animal, et notamment par le groupe des Verts-ALE.
Une commission d’enquête historique
Pendant un an et demi, nous avons mené des auditions de transporteurs, de représentant-e-s du secteur, d’ONG, de vétérinaires, de fonctionnaires européens, nationaux ou régionaux travaillant sur le transport des animaux. Leur travail avait permis un accord très large sur le constat : la législation européenne est unanimement reconnue comme mal appliquée et insuffisante pour garantir une protection efficace des animaux. La Commission européenne s’est engagée à réformer cette législation d’ici 2023 et c’est déjà, en soi, une victoire importante.
En parallèle des auditions et du travail d’enquête sur le terrain (voir mes missions en Italie, France, Espagne et République Tchèque), il a été décidé de nommer deux co-rapporteurs : Daniel Buda, un conservateur élu en Roumanie, et Isabel Carvalhais, une députée socialiste du Portugal. Ces rapporteurs ont écrit un projet de rapport d’enquête et un projet de recommandation du Parlement européen.
1200 amendements déposés
Au total, pas loin de 1200 amendements ont été déposés par les membres de la Commission d’enquête, certains pour que le texte aille plus loin, d’autres pour conforter l’agro-industrie. Pour éviter un texte sans queue ni tête, des négociations ont commencé entre les groupes politiques et les rapporteurs, comme c’est la pratique au Parlement européen. Le groupe des Verts-ALE était représenté dans ces négociations par Thomas Waitz, un député écologiste autrichien.
Les négociations ont permis d’avoir un accord sur beaucoup de points plutôt consensuels et de réduire le nombre de votes à quelques sujets clés.
Le Parlement pour de meilleures conditions de transport
Parmi ces points, des compromis ont été trouvé pour demander des contrôles plus stricts et plus fréquents, une meilleure formation des policiers et gendarmes ou encore le passage à des carnets de bord électroniques pour faciliter le contrôle. Le Parlement demande aussi aux États membres d’être plus stricts dans leur application des températures minimales et maximales pour transporter des animaux et suggère l’installation de capteurs et de thermomètres dans les véhicules. Le texte inclut aussi que soient étudiées les alternatives aux transport des animaux : abattoirs mobiles, transport de matériel génétique (sperme) plutôt que d’animaux vivants pour la reproduction.
Concernant le transport maritime, l’un des vrais points noirs de la législation actuelle, le Parlement demande que soit instaurée la présence obligatoire d’un vétérinaire à bord des navires transportant des animaux et que les infrastructures existantes sur les ports soient vraiment utilisées pour que les animaux se reposent.
Le Parlement demande aussi la création un système centralisé au niveau européen pour l’agrément des navires pour éviter que des bateaux-poubelle, refusés dans un pays, soient autorisés par d’autres.
Le rapport adopté demande aussi que la future législation inclut des mesures pour réglementer le transport des poissons et autres animaux aquatiques (crustacés, poulpes, etc..) alors qu’il n’y a rien actuellement dans la législation à ce sujet. Il insiste aussi sur le fait que les cages de transport doivent permettre aux volailles de se tenir dans leur position naturelle avec un espace au dessus de leur tête. Cette demande est directement liée à mon déplacement à l’abattoir de Blancafort avec L214.
Rien de tout cela n’était acquis. Et cela a été obtenu grâce aux négociateurs des Verts, Thomas Waitz, et de la gauche, Anja Hazekamp, qui étaient les seuls à pousser pour des mesures fortes lors des négociations.
L’absence de mesures fortes pour réduire le transport
Toutefois, si ces mesures ont pour but d’améliorer les conditions de transport des animaux, elles ne remettent pas en question le modèle agro-industriel et ne visent pas non plus à diminuer le transport des animaux. C’est pourtant la clé pour éviter les souffrances inutiles. Nous avions fait plusieurs propositions pour mettre fin aux situations les plus injustifiables.
Nous proposions de mettre une limite absolue de temps de transport d’animaux à 8h, avec une flexibilité de 24h pour le transport maritime pour les îles comme l’Irlande, Malte, ou Chypre.
Cela a été rejeté. Au lieu de cela, le texte demande la mise en place d’une limite de 8h uniquement pour les animaux qui vont à l’abattoir. Les autres animaux, par exemple ceux qui sont transportés d’une ferme à une autre ou vers des centres d’engraissement, ne sont pas concernés.
Nous avions proposé d’interdire le transport d’animaux non-sevrés de moins de 5 semaines et de limiter à 2h le transport d’animaux non-sevrés de plus de 5 semaines. Cela a été retiré du texte. Le texte final prévoit une limite de 50km pour les veaux de moins de 4 semaines, mais rien après 4 semaines, et rien pour les autres animaux non-sevrés (agneaux, porcelets…)
Nous proposions d’interdire le transport de femelles en gestation pendant le dernier tiers de la gestation. Le texte final demande une limite de temps de trajet à 4 heures pour les femelles pendant le dernier tiers de la gestation.
Nous proposions d’interdire les exportations vers les pays hors de l’Union européenne qui ne respectent pas les mêmes normes de protection des animaux que l’UE. Cela a été refusé. Le texte final demande le respect d’un jugement de la Cour de Justice de l’Union européenne qui précise que le règlement sur le transport des animaux s’applique jusqu’à l’arrivée, même si elle a lieu dans un pays tiers. Trois états membres (Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas) ont déjà demandé l’interdiction des exportations vers les pays tiers, rien n’est donc perdu.
Le vote a donc abouti à un texte qui demande clairement d’améliorer la condition des animaux transportés mais qui fait très peu pour diminuer le nombre d’animaux transportés.
Face à cela, j’ai préféré m’abstenir sur le vote final.
Le combat continue
Mais ce n’est pas la fin du processus. La Commission européenne s’est engagée à proposer une nouvelle législation en 2023. Il faut qu’elles soit la plus ambitieuse possible. Comme toute législation européenne, elle sera soumise aux états membres et au Parlement européen où nous aurons une chance de les améliorer. Nous espérons qu’elles soient adoptées avant les élections européennes en 2024, période à laquelle les député-e-s des autres groupes politiques seront encore plus sensibles aux arguments des citoyen-ne-s. La bataille continue donc !
Lire les recommandations du Parlement européen sur le transport des animaux.