Le 5 avril, le Parlement européen a adopté à une large majorité le rapport de Manuel Pizarro sur le futur de la pêche suite à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Ce rapport que j’avais la charge de négocier pour le groupe des Verts-ALE a été l’occasion d’un premier bilan du Brexit pour le secteur de la pêche.
Les conséquences du Brexit
Le secteur de la pêche a été l’un des secteurs les plus durement touchés par le Brexit. En effet, les navires de l’Union européenne allaient historiquement pêcher de manière importante dans les eaux britanniques et pêchaient une part importante des populations de poisson gérées conjointement pas l’UE et le Royaume-Uni. De son côté, le secteur de la pêche britannique a besoin du marché européen pour écouler ses captures.
La question de la pêche avait revêtu une importance symbolique pour les promoteurs du Brexit qui voulaient « reprendre le contrôle » sur leurs eaux et sur les poissons qui s’y trouvent. L’accord conclut en 2021 entre le Royaume-Uni et l’UE, fixait la nouvelle répartition des quotas de pêche et prévoyait des règles pour l’accès aux eaux britanniques pour les navires européens, et inversement.
Concernant les quotas de pêche, l’accord prévoit qu’une partie des quotas de pêche qui étaient attribués à des pays de l’UE soit progressivement transférés à l’UE, sur une période de 5 ans et demi. Cette baisse a été estimée à 25% de valeur des quotas gérés conjointement par l’UE et le Royaume-Uni. À partir de près 2026, ces clés de répartition des quotas devraient rester stables à nouveau.
Une étude commandée par le Parlement européen a montré que les impacts étaient très variables selon les espèces concernées. Certains quotas transférés au Royaume-Uni n’étaient pas utilisés entièrement, ce qui limite l’impact sur la flotte européenne. Sur le haddock, la bonne santé de l’espèce a permis d’augmenter le quota total et de compenser la baisse liée au Brexit. Sur d’autres espèces, l’impact est beaucoup plus important.
Concernant l’accès aux eaux britanniques, l’accord prévoit que chaque bateau qui a du quota peut accéder à la zone économique exclusive, c’est-à-dire au-delà de 12 mille nautiques des côtes. Pour la zone comprise entre 6 et 12 milles nautiques des côtes, les navires qui souhaitent obtenir une licence doivent prouver qu’ils ont pêché dans cette zone-là, 4 années sur 5 avant le référendum du Brexit. Les navires de moins de 12 mètres, notamment pour les navires du nord de la France ou dans la baie de Granville, ont eu beaucoup de mal à prouver qu’ils avaient bien pêché dans les eaux britanniques. En effet, l’utilisation d’un système de géolocalisation dit VMS n’était pas encore obligatoire pour ces petits navires.
La situation est très incertaine après 2026 car l’accès aux eaux britanniques n’est pas garanti et fera l’objet de négociations annuelles.
Le rapport
Le rapport adopté par le Parlement prend note de tout cela. En tant que négociatrice du groupe des Verts-ALE, une de mes priorités a été de rappeler que le Brexit ne doit pas servir de prétexte pour rogner sur l’ambition environnementale. Reléguer au second plan la lutte contre la surpêche et la protection des écosystèmes aurait des conséquences dramatiques pour les pêcheurs à moyen terme. Le rapport insiste sur la nécessité de maintenir une exploitation durable des populations de poisson, basée sur les meilleurs avis scientifiques disponibles.
Nous avons aussi insisté sur l’impact spécifique du Brexit sur la petite pêche. Comme expliqué, les navires de moins de 12 mètres ont été particulièrement affectés. Le texte demande que les états utilisent l’article 17 de la PCP pour moduler les baisses de quotas entre les différents segments de la flotte et protéger la pêche artisanale.
La réserve d’ajustement au Brexit a permis de débloquer des crédits pour que les états européens puissent aider les pêcheurs. Si la France a lancé un plan en ce sens, ce n’est pas le cas de la majorité des états membres de l’UE. Nous pensons qu’elle doit servir en priorité aux pêcheurs impactés à la situation économique la plus fragile.
Durant les négociations, nous avons aussi insisté sur les risques sur les écosystèmes liés au déplacement des navires qui n’ont pas obtenu de licence dans les eaux britanniques et qui sont donc plus nombreux à pêcher à certains endroits dans les eaux européennes. Leur nombre et les conséquences de ce déplacement pourraient empirer d’ici 2026 si l’on ne fait rien.
Je suis revenu sur plusieurs de ces points lors de mon intervention devant le Parlement.