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Enquête sur le transport des veaux en Europe

Mi-février, j’ai rejoint l’ONG Animal Welfare International pour participer à leur enquête sur le transport des veaux. Nous avons suivi un camion transportant des jeunes veaux non-sevrés entre la République Tchèque et l’Espagne.

Chaque année, plusieurs centaines de milliers de veaux naissent dans l’Union européenne. Beaucoup d’entre eux ne naissent que pour une raison, que leur mère produise du lait qui sera destinée à la consommation humaine. Ces veaux sont considérés comme des dommages collatéraux, comme des sous-produits de l’industrie laitière.

Des veaux partis de République Tchèque

L’enquête de l’ONG Animal Welfare Foundation à laquelle j’ai participé a commencé à la frontière entre l’Allemagne et la République Tchèque. Plusieurs fois par semaine, cette autoroute est un point de passage obligé pour des veaux qui sont transportés depuis la République Tchèque vers l’Espagne. A 15h30, nous avons repéré un premier camion qui transporté de jeunes veaux et qui s’était arrêté pour une pause. Les veaux transportés à bord n’avaient pas été abreuvés pendant cette pause, contrairement à ce que prévoit la réglementation actuelle.

Nous avions décidé dans un premier temps de ne pas suivre ce camion car nous attendions un autre camion dont nous connaissions la destination. Mais ce deuxième camion n’est pas venu et nous avons donc décidé de prendre la route vers l’Alsace où les camions se rendent. Sur le chemin, nous avons rattrapé le premier camion et avons décidé de le suivre.

Après 19h de trajet, les camions transportant des veaux non-sevrés sont obligés de s’arrêter au minimum 24 heures dans un poste de contrôle. C’est un endroit dans lequel les animaux sont déchargés et doivent être alimentés et abreuvés. Après cet arrêt, ils peuvent à nouveau repartir pour 19h de voyage. Et ainsi de suite.

Le camion est arrivée au point de contrôle vers minuit 30. Nous nous sommes postés à quelques dizaines de mètres du point de contrôle. Moins d’une demie-heure après l’arrivée du camion, toutes les lumières étaient éteinte, ce qui signifie que les animaux ont été déchargés mais n’ont pas été abreuvés ou nourris avant le lendemain.

Visite impromptue d’une poste de contrôle

Nous avions de fortes suspicions que le camion ne respecterait pas les 24h de temps de pause. Dans certains centres, les camions partent après moins une douzaine d’heures, une fois que les chauffeurs ont pris leur pause légale. Nous avons donc observé les camions à bonne distance.

Vers 15h, je me suis approchée et j’ai constaté que le camion commençait à être chargé, soit 10h avant l’heure légale. Je me suis présenté aux routiers et aux responsables du site. Ils ont alors arrêté de charger le camion, ont déchargé les animaux et ont prétendu que les animaux venaient d’arriver.

Le responsable du poste de contrôle a accepté de me faire visiter le site. Dans cette étable attendaient près de 450 veaux déchargés de deux camions différents. Ils étaient très jeunes, certains avaient moins de 4 semaines. A cette âge, le système immunitaire des veaux est particulièrement fragile et peuvent facilement tomber malades.

Selon le responsable du site, après les avoir laissé se reposer environ 2h, les animaux reçoivent individuellement une solution réhydratante, un mélange à base d’eau et de sucre censé remplacer le lait. Mais, comme je l’avais constaté, lorsque les camions arrivent de nuit, les animaux sont laissés sans eau ni nourriture pendant toute la nuit.

J’ai pu ensuite consulter les carnets de route et les différents documents attestant de la légalité du transport.

Un trajet qui continuait vers l’Espagne

Nous ne savons pas à quelle heure les animaux sont finalement repartis. Mais nous savions que le camion se rendait à Lerida, en Espagne. Environ 19 heures de transport attendaient encore ces jeunes veaux. Ils iront vraisemblablement passer quelques mois dans un de ces centres d’engraissement à ciel ouvert que j’ai observé lors de ma précédente enquête à Carthagène.

Quelle vie pour ces animaux ! Nous touchons là à une des nombreuses dérives du système agro-industriel qui ne traite plus les animaux comme des êtres à part entière mais comme des marchandises que l’on peut transporter ça et là pendant des heures pour réaliser des économies de bout de chandelle.

Mobilisée au Parlement européen

En 2020, le Parlement européen avait lancé une Commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport. J’avais fait partie de cette commission et j’ai donc travaillé sur ce sujet pendant plus d’un an et demi. Le groupe des Verts-ALE avait mis sur la table la question du transport des veaux non-sevrés. Dans un esprit de compromis et pour tenter de trouver une majorité, j’avais défendu une interdiction totale du transport des animaux non-sevrés de moins de 5 semaines et une limite à 2h après 5 semaines. Cela a été supprimé du texte par 372 voix contre 280. J’avais aussi défendu aussi une limite de 8h de temps de transport, elle aussi rejetée.

Mais ce vote n’était pas le dernier. En 2023, la Commission européenne va proposer une réforme totale des règles de protection des animaux, y compris les règles pendant le transport. C’est pour cela que nous continuons la mobilisation pour que nous puissions enfin mettre fin à ces pratiques.

 

Cette mission a fait l’objet d’un article du Monde, écrit par Mathilde Gérard « Sur les routes d’Europe, des veaux transportés en violation des règles du bien-être animal »

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