Par un arrêt du 28 mars 2024, la cour d’appel de Toulouse a affirmé que l’attribution des quotas de pêche de thon rouge en zone océan Atlantique et Méditerranée devait intégrer un critère environnemental, comme l’indique l’article 17 de la Politique Commune de la Pêche (PCP), et a confirmé l’annulation de l’arrêté ministériel de 2017.
C’est une victoire et un espoir pour les petits pêcheurs artisans, lésés depuis de longues années par les États membres dans la répartition inégale des quotas de pêche, mais aussi pour la biodiversité marine et la perspective d’une transition vers une pêche à faible impact pour l’environnement.
L’inégale répartition des quotas de pêche est une injustice contre laquelle je me bats depuis le début du mandat, à la fois au Parlement européen, par le biais de différents rapports et législations, et sur le terrain.
Une lueur d’espoir après une longue bataille judiciaire
En 2021, après plusieurs années de bataille judiciaire, les petits pêcheurs artisans méditerranéen français avaient obtenu au tribunal administratif de Montpellier l’annulation de l’arrêté ministériel du 10 février 2017 sur la répartition des quotas de thon rouge. Je m’étais rendue à l’audience à Montpellier en 2021 en soutien aux associations de petite pêche. Le tribunal avait jugé que cette répartition ne prenait pas en compte le caractère environnemental. L’État français avait ensuite fait appel de cette décision.
Mais, le 28 mars dernier, la Cour administrative d’appel de Toulouse a confirmé l’annulation de l’arrêté ministériel de 2017 au motif que l’attribution des quotas de pêche n’intégrait, effectivement, pas de critère environnemental.
La Cour a jugé que les dispositions de l’article R. 921-35 du code rural et de la pêche maritime, sur lequel est fondé ledit arrêté ministériel, méconnaissent l’article 17 de la PCP, qui prévoit que chaque État membre doivent répartir les quotas sur la base de critères objectifs et transparents, y compris des critères de nature économique, sociale et environnementale.
Cette victoire judiciaire est un espoir pour un modèle de pêche plus juste pour les petits pêcheurs artisans ! Une lueur d’espoir s’est dessinée pour ces pêcheurs qui depuis des années subissent l’inégale répartition des quotas de pêche et les manquements à la mise en œuvre de l’article 17 de la PCP par l’Etat français.
Une inégale répartition des quotas de pêche : un problème de longue date
Depuis des années, nous alertons sur l’inégale répartition des quotas de pêche et les manquements à la mise en œuvre de l’article 17 de la PCP par l’Etat français.
Le thon rouge est l’un des plus beaux exemples de succès environnemental en matière de pêche : symbole de la surpêche, au bord de l’effondrement dans les années 2000, les populations de thon rouge sont aujourd’hui en bien meilleur état et la vanne des quotas a été rouverte il y a déjà quelques années.
Mais à qui cela profite-t-il ? A la pêche industrielle, à une poignée de grands thoniers senneurs. En 2020, la petite pêche française n’avait que 12% du quota de thon rouge. En Italie, seulement 3%. Et au Portugal, 13%.
La commission de la pêche du Parlement européen où je siège s’était saisie de ce problème. En 2020, nous avions tenté d’inscrire dans le plan de gestion du thon rouge des dispositions en faveur d’une meilleure répartition des quotas. Nous avions obtenu un accord avec le Conseil. Mais c’était sans compter l’opposition de plusieurs États, dont le gouvernement français, qui ont fait en sorte que cet accord soit rejeté par le Conseil.
Écartés des échanges officiels par les représentants du secteur de la pêche, j’avais organisé une rencontre entre les petits pêcheurs et le commissaire européen aux océans et à la pêche lors du congrès mondial de l’UICN pour l’alerter sur la situation.
En 2022, ensuite, j’ai été rapportrice du rapport d’initiative sur l’article 17 et la répartition des quotas de pêche. Là encore, ce rapport avait été adopté par la majorité du Parlement européen et envoyait la demande claire d’une répartition plus équitable des quotas de pêche.
Pourtant, depuis, les États membres, dont la France, continuent de faire la politique de l’autruche et de ne pas respecter la PCP.
La bataille judiciaire des petits pêcheurs semblait alors être la seule issue face au manque de courage politique du gouvernement français de respecter leur obligation juridique d’appliquer correctement la PCP.
Cette décision est un espoir pour tous les pêcheurs artisans d’Europe, en Méditerranée, mais aussi un espoir pour les jeunes ligneurs de la pointe de Bretagne que j’ai rencontrés début janvier. Ces derniers sont privés de quotas de lieu jaune cette année parce qu’ils n’appartiennent pas à une organisation de producteurs ou n’ont pas obtenu de quota par cette organisation, alors que d’autres pêcheurs et d’autres métiers en auront. Ils ne sont pas aidés alors qu’ils sont jeunes, se sont lancés récemment dans le métier par passion, ont contracté des emprunts, et se sont tournés volontairement vers une technique de pêche à faible impact et des navires peu gourmands en carburants.
Condamné par la plus haute juridiction administrative à agir, l’Etat français doit désormais faire face à ses responsabilités.
Retrouvez mon intervention lors de la Commission de la pêche au Parlement européen mardi 9 avril :